L'école européenne Bruxelles IV, installée provisoirement à Forest depuis 2007, va déménager à Laeken pour la rentrée 2012. L'arrivée de l'école risque d'entraîner un changement de l'environnement urbain dans le quartier résidentiel qui l'accueille. L'e-ris a voulu comprendre quelles étaient les conséquences de l'installation d'une école européenne dans un quartier tel que celui de Laeken.
En 2005, l'Union européenne et les autorités belges se sont accordées pour construire une quatrième école européenne à Bruxelles (Bruxelles IV), du côté de Laeken. La croissance démographique de l'UE par l'adhésion des dix nouveaux pays membres fait que les écoles devront accueillir près de 4.000 nouveaux élèves, alors qu'elles souffrent déjà de problèmes de surpopulation. La construction d'une nouvelle école était donc nécessaire pour la Communauté européenne.
Pourquoi Laeken ?
Le site de Laeken a été choisi par la Régie des Bâtiments qui est l'organisme officiel chargé de la réalisation et de l'exécution des travaux concernant les écoles européennes. C'est un ancien complexe militaire datant de la fin du XIXe siècle et qui se devait d'être remis à neuf pour accueillir les 2.500 élèves prévus en 2012. Le coût de l'investissement est estimé actuellement à un peu plus de 60 millions d'euros.
Dès 2007, les travaux de rénovation, de désamiantage et de construction ont commencé, tandis que l'école provisoire à Forest ouvrait ses portes.
Une seconde raison pour le choix de ce site, malgré qu'elle ne soit pas officielle, est également la position géographique de Laeken. Les écoles actuelles se situent principalement dans le sud-est de Bruxelles. Il y a une volonté cachée de répartir la localisation des écoles et des fonctionnaires européens dans les différents coins de Bruxelles, afin de désengorger les quartiers actuels.
L'idée semble même fonctionner. Certains parents d'élèves ont déjà déménagé et se réjouissent du nouvel emplacement de l'école par rapport à la situation de l'école provisoire de Forest. C'est le cas des parents du petit Yacine, Emmanuelle et Mohamed : « Nous avons déménagé du côté de Laeken l'année passée. La nouvelle école accueillera les élèves de la maternelle au secondaire et cela permettra à Yacine et ses frères de passer leur scolarité dans la même école. Le problème aussi avec l'école provisoire, ce sont les files. Dès huit heures du matin, la rue est embouteillée par un déchargement incessant d'enfants devant l'école. Nous pensons que ce sera plus facile à Laeken, car il y a moins de monde. Ce sont les habitants de la rue qui seront contents de voir l'école fermer. »
Une nouvelle école pour de nouveaux élèves
L'école provisoire accueille un peu plus de mille élèves. Une capacité maximale pour l'école, qui a déjà dû construire en 2010 des préfabriqués pour accueillir les classes du secondaire et l'administration de l'école.
Le problème de la surpopulation est récurrent dans les écoles, et les écoles européennes ne sont pas épargnées. Bruxelles IV attend avec impatience son installation dans l'ancienne école des Cadets.
École provisoire Bruxelles IV à Forest (©L'e-ris) |
L'école sera entièrement remise à neuf et agrémentée de structures modernes en béton, ainsi qu'un parking en sous-sol et en surface.
C'est notamment ce parking qui fait le plus peur aux habitants du quartier. Car si l'école enchante la communauté « bruxello-européenne », l'avis est mitigé chez les habitants du quartier.
Chantier de l'école européenne Bruxelles IV (Laeken) (©L'e-ris) |
Quelles conséquences pour le quartier ?
L'école des Cadets est située le long de la Drève Sainte-Anne à Laeken. Elle se trouve à quelques centaines de mètres du domaine royal avec ses serres, son château et ses autres monuments, et à une dizaine de minutes des transports en commun les plus proches, sans compter l'arrêt de bus situé juste en face de l'entrée de l'école.
Le quartier est principalement résidentiel et l'environnement est verdoyant.
L'école européenne aura un impact sur le quartier, qu'elle le veuille ou non. Les risques sont multiples : hausse des prix du logement, afflux de voitures, quartier plus bruyant, etc.
Les logements
C'est un fait connu, la venue des institutions européennes a fait grimper les prix de l'immobilier dans le centre-ville. « Les Européens qui viennent s'installer à Bruxelles ne chipotent pas vraiment pour un loyer, même s'il est un peu cher », explique M. Barber de l'agence Century 21 à Forest, près de l'école européenne provisoire. Les institutions leur paient une grande partie du loyer. Ils veulent trouver rapidement et près de leur travail. Vu le manque d'offre par rapport à la demande en hausse, les propriétaires gonflent leurs prix, ce qui rend le coût du logement très élevé dans les quartiers européens. Maintenant, en ce qui concerne l'école européenne de Forest, je n'ai pas remarqué de hausse particulière des prix. Le quartier était déjà pas mal à la base et les prix n'ont pas vraiment bougé. Pour le quartier de Laeken, il est aussi très bourgeois. Il est fort possible que rien ne change. Maintenant, tout est question d'offre et de demande. Si les Européens décident de venir en masse à Laeken, il est possible que les prix augmentent. »
Les commerces
Le quartier est principalement résidentiel. Il n'empêche que la rue a quelques restaurants/cafés, dont La Cantine, reprise il y a un an par Robert. Ce bar/bistrot accueille dans une ambiance chaleureuse ses habitués, qui viennent boire un verre pour se retrouver entre amis.
Avec la venue de l'école, Robert a cependant déjà changé son offre. « Je commence à vendre des plats de petite restauration comme des pizzas. J'ai aussi réaménagé la terrasse pour installer des chauffages au gaz et un auvent pour protéger du vent et de la pluie. Je suis actuellement en travaux pour réaménager la cuisine. Je compte développer la petite restauration d'ici septembre 2012. J'espère que l'école européenne aura un impact positif sur mon commerce. Et je pense qu'il le sera. »
La Cantine - Drève Sainte-Anne (©L'e-ris) |
Il est clair que les commerces vont probablement se développer. La venue de l'école est pour eux une bonne nouvelle. Mais il faut attendre l'année scolaire prochaine pour voir les effets réels de l'école sur les différents établissements horeca du coin.
La mobilité
Le 13 avril 2007, l'ARAU (Atelier de Recherche et d'Actions Urbaines) avait écrit un communiqué de presse sur le projet d'école européenne, après son passage en commission de concertation à la Ville de Bruxelles. Dans ce cadre, elle avait émis une série de remarques concernant l'école, notamment en matière de mobilité durable. Des remarques que partageait également le comité de quartier Marie-Christine/Reine-Stéphanie, qui comprend les habitants de la drève Sainte-Anne.
Le projet initial de l'école européenne était de construire un parking qui aurait accueilli 199 emplacements pour voitures et 36 pour les autocars. L'estimation aux heures de pointe était de 340 voitures par heure, réparties entre les voitures des parents qui viennent déposer leurs enfants et les voitures des 400 membres du personnel, les déplacements étant prévus dans le parking souterrain, pour éviter les encombrements dans la rue principale.
L'ARAU a dénoncé cette demande très théorique d'un nombre élevé d'emplacements de parking, basée uniquement sur le modèle de l'école d'Ixelles, qui ne comprend pas de plan de mobilité.
Le projet initial de l'école européenne était de construire un parking qui aurait accueilli 199 emplacements pour voitures et 36 pour les autocars. L'estimation aux heures de pointe était de 340 voitures par heure, réparties entre les voitures des parents qui viennent déposer leurs enfants et les voitures des 400 membres du personnel, les déplacements étant prévus dans le parking souterrain, pour éviter les encombrements dans la rue principale.
L'ARAU a dénoncé cette demande très théorique d'un nombre élevé d'emplacements de parking, basée uniquement sur le modèle de l'école d'Ixelles, qui ne comprend pas de plan de mobilité.
De plus, selon l'association, les plans de déplacements d'entreprises sont obligatoires à partir de 200 travailleurs. L'école devrait en développer un avant la mise en fonction de l'école, c'est-à-dire, réduire le nombre de places disponibles pour favoriser l'utilisation des transports en commun, comme le fait déjà la Commission européenne avec sa nouvelle stratégie de mobilité.
Leurs remarques semblent avoir été écoutées, car la Commission de concertation a rendu un avis favorable, le 17 avril 2007, à la construction de l'école sous réserve de limiter le nombre d'emplacements de parking à 163 emplacements couverts au lieu de 199, de mieux protéger le patrimoine existant et de mettre en place un plan de déplacement d'entreprise.
Et pour les habitants ?
L'association de quartier A.S.B.L. Cité Modèle, située non loin du quartier Sainte-Anne, est mitigée quant à l'impact de l'école sur les habitants. « Je ne sais pas vraiment ce qui se passera mais ce qui est sûr, c'est qu'il y aura des impacts socio-économiques. Le quartier est très vert et isolé. Soit il va vivre sous forme de ghetto doré, ce qui n'aura pas d'incidence sauf sur l'écologie, soit le visage du quartier va changer, mais l'évolution ne se verra qu'au fil des mois ou des années », explique M. Kayinamura, le président de l'A.S.B.L.
D'après le le comité de quartier Marie-Christine/Reine-Stéphanie, l'école pourrait cependant avoir un certain impact positif. Il semble qu'elle mettra à disposition des habitants des environs ses infrastructures sportives et culturelles qui seront aménagées sur le site. L'association voit ce geste comme un « bel exemple de partage et d’ouverture... à l’image de l’Europe de demain ».
L'école de demain
L'école européenne Bruxelles IV semble donc être plutôt bien accueillie par les habitants du quartier. L'établissement veut s'intégrer dans le paysage bruxellois et respecter le patrimoine des vieilles bâtisses de la fin du XIXe siècle.
Les Européens ne seront plus agglomérés dans la partie sud-est de la capitale et les écoles européennes pourront respirer un peu mieux en allégeant le nombre d'élèves dans leurs classes.
Il est clair que les riches eurocrates ne sont pas des exemples en matière d'écologie, mais si des mesures sont prises pour aller vers un plan de mobilité plus développé, il est possible qu'habitants du quartier et école Bruxelles IV vivront en parfaite cohésion dès l'année prochaine. Seul l'avenir nous le dira.
Florence Hau-Gérin
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